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Quand je me suis arrêtée de manger - Léa Mauclère (Editions City, 2014)

 

      La couverture saisit, retient le ragard. La main, pour avoir désappris le geste inné des repas, tâte des côtes à nu, saillantes. Echo aux premières lignes de Novembre... "Tendus à en blanchir, se refermant en étau sur ma taille, les deux majeurs à l'avant et les pouces dans le dos, mes doigts se rapprochaient à chaque fois un peu plus..."

 

      Léa Mauclère, professeure de lettres et jeune auteure, nous raconte la fin de la faim. Cette fin a duré quelque dix années; et la faim était toujours présente, vorace, proprement "monstrueuse", - la faim de se remplir et de se désemplir, la faim boulimique, qui a rapidement succédé aux restrictions drastiques. Car la jeune fille d'alors, gymnaste - à son corps défendant -, excellente élève et enfant "parfaite" - comprenons, qui ne devait jamais décevoir -, s'est de fait "arrêtée de manger", si l'on entend par ces termes tout autant l'interruption délibérée et hyperbolique d'une énergétique physiologique que l'aliénation de la pereception de l'acte que celle-ci implique.

 

      Le vide et le trop-plein: de ces deux termes d'une dialectique par laquelle l'on définira volontiers l'anorexie-boulimie dans ses manifestations, ses symptômes aussi bien que dans ses sources, causes ou processus mentaux, l'auteure, qui aujourd'hui se dit en rémission, prend, dans le miroir des mots qu'elle met sur le mal, la véritable mesure. Du vide et du trop-plein, son récit sans fausse pudeur, son écriture directe tantôt jusqu'à la crudité, tantôt jusqu'au journal télégraphique d'un séjour en clinique, expriment et manifestent le gouffre, - le vortex; happé, le lecteur achèvera les quelque 250 pages de ce témoignage d'un souffle. C'est qu'un même engrenage, le mécanisme unique d'une manie destructrice déroulent ces années d'après le Bac - d'après les trois kilos de trop gagnés pendant les révisions et qui paraissaient exiger un régime rapidement devenu morbide -, années d'espérances estudiantines et de petits boulots, jusqu'à la titularisation qui devait permettre, à la faveur d'une belle rencontre et dans l'urgence de ne pas se faire, malgré soi, dangereux exemple pour de jeunes élèves, l'entrée sur la voie de la guérison.

      "Ce qui ne tue pas rend plus fort", - qui, face aux "TCA", se refuserait à répéter ces mots? La force de Léa, après dix années de "non vie", résonne dans la lucidité de son témoignage sur les "limbes de la faim", anime son blog de chroniques de lecture - Les lectures de Naurile - et, surtout, son engagement dans le combat, fait de prévention et de soutien, contre la maladie.

 

 

Chroniques de Novembre (1)

 

Merci à Charlotte M., de l'association Enfine, pour cette recension si juste et si sensible de mon récit!

http://www.enfine.com/dernieres-nouvelles-anorexie-boulimie/enfine-a-lu-enfine-a-vu/536-novembre-est-bleu-professeur.html

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